Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/107

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sanne normande, fort intelligente, mais ignorante à plaisir, toutes les choses de la vie ; et, enfin, ces commentaires sur le journal que le piéton apportait à huit heures remplissaient souvent la soirée jusqu’à minuit.

— Comment, c’est minuit ? s’écriait la duchesse avec gaîté ; je me serais crue tout au plus à dix heures ! Voilà encore une soirée bien passée !

La duchesse avait en horreur de se coucher de bonne heure. Souvent les commentaires sur la Quotidienne recommençaient le lendemain matin, et enfin, chose incroyable ! la duchesse, qui répétait encore assez souvent que c’étaient les Normands qui avaient perdu la France, déclara que le commentaire sur la Quotidienne ne suffisait pas à l’éducation de la petite ; c’est ainsi que Lamiel était appelée au château. La petite, pour bien s’acquitter de ses fonctions de lectrice, devait comprendre même les anecdotes malignes sur les femmes des banquiers et autres dames libérales dont la Quotidienne enrichit ses feuilletons. La petite lut tout haut les Veillées du château de Mme  de Genlis, et ensuite les romans les plus moraux de cette célèbre comédienne. Plus tard, la duchesse trouva que Lamiel était digne de comprendre le Diction-