Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/115

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bout de trois jours, il repartit pour Paris, l’absence de cet homme fut un soulagement pour Mme  de Miossens. On appela le médecin de Mortain, qui était en correspondance avec une femme de chambre, et se prétendit malade pour ne pas paraître. On fit venir ensuite un médecin de Rouen, M. Dervillers qui, bien différent de son collègue de Paris, avait un aspect lugubre et ne disait mot. Il ne voulut pas s’expliquer avec la duchesse, mais dit au curé que la petite n’avait pas six mois à vivre. Ce mot était cruel pour la duchesse ; il la privait de la seule distraction qu’elle eût au monde ; sa fantaisie pour Lamiel était dans toute sa force ; elle fut au désespoir et répétait souvent qu’elle donnerait cent mille francs pour sauver Lamiel. Son cocher qui l’entendit lui dit avec la grosse franchise d’un Alsacien :

— Eh bien ! que madame rappelle Sansfin.

Un jour, revenant tristement de la messe dans son carrosse par la grand’rue de Carville, elle vit de loin le médecin bossu et, d’instinct, elle l’appela. Il avait inventé une méchanceté à faire, ce qui le fit accourir au carrosse, de l’air le plus ouvert. Il y monta, et, en arrivant auprès de la malade, il déclara qu’elle était horriblement changée et