Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/158

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devient vite criminelle si elle n’est consacrée par un sacrement.

— Ainsi, reprit Lamiel, avec une innocence parfaite, mais pourtant en sentant bien qu’elle allait embarrasser l’abbé Clément, ainsi, vous, monsieur le curé, vous ne pouvez pas sentir l’amour car vous ne pouvez pas vous marier.

Ce mot était lancé avec tant d’esprit et accompagné d’un regard si singulier que le pauvre prêtre resta immobile, les yeux démesurément ouverts et fixés sur Lamiel.

— Sent-elle la force de ce qu’elle dit ? se demandait-il à lui-même ; en ce cas, j’ai tort de paraître si souvent au château ; l’extrême confiance qu’elle a en moi est bien voisine de l’amour et semble y conduire.

Ces idées charmantes occupèrent bien pendant vingt secondes l’âme du jeune prêtre, puis il se dit avec horreur :

— Grand Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? Non seulement je cède à une passion coupable pour moi-même, mais encore je m’expose à séduire une jeune fille dont la vertu m’est confiée par un engagement tacite, il est vrai, mais qui, par là, ne doit être que plus sacré pour moi.