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Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/295

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d’ennui. Le duc, qui l’avait tant ennuyée, le lui avait dit vingt fois mieux. Si elle eût eu à cette époque le talent de lire dans son propre cœur, elle eût dit au comte :

— Vous me plaisez, mais à condition de ne me jamais parler le langage de la passion.

Le comte était bourrelé par l’idée de Chantilly et encore fort indécis lorsque, le soir, on cita au cercle des Jockeys, un de ses amis, un jeune homme qui faisait le plongeon à l’approche de Chantilly en se prétendant malade.

« Qui trop embrasse, mal étreint, se dit-il. Au diable cette petite provinciale ! Je suis perdu, avec ce qu’on dit de mes affaires, si, avec ma passion pour les chevaux, on ne me voit pas à Chantilly. »

La veille du grand jour, il dit à Lamiel :

— Je vais essayer de me casser le cou, puisque votre cruauté rend ma vie si insupportable.

Ce mot scandalisa Lamiel.

« Mais où prend-il que je sois cruelle ? se dit-elle en riant ; m’a-t-il jamais mise à même de lui refuser quelque chose de sérieux ? »

Le fait est que la société de toutes les femmes ennuyait le comte ; Lamiel, étant encore tout à fait une femme honnête, l’ennuyait encore bien