Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/308

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dre perspective de souffrance pour sa chère personne accablait le comte jusqu’à lui faire répandre des larmes. M. de Menton avait dit de lui :

— C’est un joueur d’échecs cauteleux que la bêtise du public prend pour un poète.

Le comte d’Aubigné-Nerwinde, par son sérieux prudent, morne et toujours occupé du public, avec la physionomie d’un loup caché le long d’un grand chemin et attendant le passage d’un mouton, était surtout bien à sa place devant une société de vingt personnes. Il parlait avec des efforts et des anxiétés pour atteindre à l’élégance qui faisaient mal aux personnes d’un goût délicat ; mais il avait la passion de parler et de raconter, et, assez grossier de sa nature, il ne sentait pas les chutes.

Cette passion de parler, de raconter, d’avoir raison sur tout, le mettait au supplice si quelqu’un racontait la moindre chose devant lui. Il avait certaines objections aigres à faire à tout ce qu’on disait qui empêchaient la moindre conversation de marcher en sa présence. La vie intime avec lui était un supplice. Sa mine souffrante, ou du moins morne et facilement offensante, empêchait les saillies et toutes les sensations agréables, — les