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Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/361

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APPENDICE VI

LE PIÉTON


Voici un épisode resté inachevé ; le piéton dont il est question est une sorte de doublure de Jean Berville, le héros du chapitre intitulé : l’Amour au bois.


Il y avait à Carville un petit jeune homme de dix-huit ans, que sa physionomie doublement normande, tant il était attentif à ses intérêts, avait fait choisir pour piéton du village. Il allait tous les soirs, à neuf heures, chercher les lettres adressées aux gens du pays, à la ville voisine, distante d’une lieue, où les déposait le courrier de Paris. Avant minuit, elles étaient toutes distribuées, jamais il n’y avait d’erreur ; mais avec les demi-sous que le piéton se faisait payer, en trompant des paysans normands, il était parvenu à se donner la toilette d’un monsieur. Il était fort bien venu des demoiselles du pays. On le citait de tous côtés pour sa discrétion à toute épreuve. Pendant longtemps, jamais il n’avait été connu que telle demoiselle recevait des lettres par la poste ; c’était un moyen fort commode d’entretenir une correspondance entre deux jeunes gens de Carville. Le piéton déposait les lettres à la poste de la ville voisine et les rapportait à Carville, à sa course