Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/367

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croire mort. Il voulut pénétrer en criant dans le salon où se trouvait la duchesse.

— Ce n’est rien, c’est une plaisanterie, demain il n’y paraîtra plus.

Mais en prononçant ces paroles avec assez de présence d’esprit, Sansfin retenait le jeune tapissier par sa belle cravate qu’il chiffonnait impitoyablement ; ce malheur n’échappa point au jeune Fabien.

— Quelle figure vais-je faire devant ces belles dames qui ne m’ont jamais vu ! se dit-il, j’aurai l’air d’un ouvrier saligot. Cette idée le rendit furieux, il éleva la voix : Vous m’avez causé une incapacité de travail de plus de quarante jours et mon père, qui a de bonnes protections à Paris, saura bien vous la faire payer cher. D’ailleurs Mme  la duchesse, à laquelle je vais montrer le signe de votre violence, ne souffrira point qu’on assassine ainsi ses ouvriers.

Pendant qu’on lui adressait ces paroles, Sansfin réfléchissait que si ce charmant jeune homme, avec sa chemise sanglante, paraissait devant les dames réunies dans le salon voisin, il était perdu dans le pays.

— Je tuerai plutôt tout à fait cet amant de Lamiel ; si le bonheur veut que je ne sois surpris par aucun domestique, je cacherai le cadavre dans la garde-robe voisine dont je prendrai la clef, et ce soir, aidé par Lamiel elle-même, je ferai disparaître le corps du beau Parisien. Un homme comme moi est capable de se tirer d’une situation bien pire.

Une idée bien digne de la Normandie se présenta au médecin bossu : en supposant que tout réussisse à souhait, cette étourderie peut coûter cent louis, fai-