Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/46

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la chasse qui me ramenât deux ou trois fois l’an dans son château de Carville, pendant deux jours ses façons d’agir me faisaient illusion et je lui croyais des idées ; elle n’avait pourtant que la perfection du jargon du monde. Ce qui m’amusait et m’ôtait la sottise de prendre cette maison au sérieux, c’est qu’on ne pouvait pas reprocher à cette duchesse d’avoir une seule idée juste ; elle voyait toutes choses du point de vue d’une duchesse, et encore dont les aïeux ont été aux croisades.

La révolution de 1789 et Voltaire n’étaient pas des choses odieuses pour elle, c’étaient des choses non avenues. Cette absurdité allait jusqu’aux moindres détails, et cette manière, par exemple, d’appeler le maire de Carville M. l’échevin, consolait de tout mes vingt-deux ans et m’empêchait de prendre au sérieux aucune des impertinences qui pullulaient au château et en chassaient tous les voisins. La duchesse ne pouvait réunir dix personnes autour de sa table qu’en payant dix francs par tête à son cuisinier, outre des gages énormes et tous les comptes payés comme à un cuisinier ordinaire.

Au fond, Mme de Miossens s’ennuyait amèrement ;