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de vingt personnes. À ces soupers, on parlait beaucoup de miracles. Mme  la comtesse de Sainte-Foi et vingt autres dames des environs, que chaque soir l’on voyait au château, parlèrent de moi à M. l’abbé Le Cloud comme d’un homme dont on pourrait faire quelque chose. Je remarquai que ces dames fort nobles et pensant si bien ne croyaient guère aux miracles, mais les protégeaient de toute leur influence. Je ne manquais pas un discours de M. l’abbé ; bientôt ennuyé des mièvreries qu’il fallait dire aux gens du pays, il me montra de l’amitié ; et, comme il était loin d’avoir la prudence de l’abbé Du Saillard, il me dit une fois :

— Vous avez une belle voix, vous savez bien le latin, votre famille vous laissera deux mille écus tout au plus, soyez des nôtres.

Je réfléchis beaucoup à ce parti qui n’était pas mauvais. Si la mission eût duré un mois encore à Carville, je crois que je me serais enrôlé pour un an dans la troupe de l’abbé.

Je calculais que je ferais des économies pour revenir passer une bonne année à Paris, et, comme j’avais horreur du scandale, en revenant à Paris recommandé par l’abbé Le Cloud, j’eusse pu arra-