Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/62

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Hautemare, portant son propre nom. Il se récria beaucoup, puis il ajouta d’une voix timide ;

— Si au moins nous adoptions la petite Yvonne, — c’était la fille cadette du neveu, — le père aura peur et ne manquera plus la messe.

— Cette enfant ne sera pas à nous. Au bout d’un an, si on voit que nous l’aimons, le jacobin nous menacera de la retirer ; alors les rôles seront changés : ce sera ton neveu le jacobin, le volontaire de 1815, qui sera le maître. Il faudra que nous fassions des sacrifices d’argent pour qu’on ne nous enlève pas la petite fille.

Le ménage normand fut tourmenté par ce projet durant six mois, et enfin, muni d’une lettre de recommandation de l’abbé Du Saillard, dans laquelle on lui donnait le nom de Prévôt, le bon Hautemare, accompagné de sa femme, se présenta à l’hospice des enfants trouvés de Rouen, où ils choisirent une petite fille de quatre ans, dûment vaccinée et déjà toute gentillette : c’était Lamiel.

Ils dirent bien, à leur retour à Carville, que la petite Amable Miel était une de leurs nièces, née près d’Orléans, fille d’un cousin à eux, nommé Miel, charpentier de son état ; les Normands du village ne furent pas dupes, et Sansfin, le médecin bossu,