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CHAPITRE IV

MANDRIN ET CARTOUCHE


À force d’économies, la tante et l’oncle de Lamiel étaient parvenus à réunir un capital rapportant dix-huit cents livres de rente. Ils étaient donc fort heureux, mais l’ennui tuait Lamiel, leur jolie nièce. Les esprits sont précoces en Normandie ; quoique à peine âgée de douze ans, elle était déjà susceptible d’ennui, et l’ennui, à cet âge, quand il ne tient pas à la souffrance physique, annonce la présence de l’âme. Mme Hautemare trouvait du péché à la moindre distraction ; le dimanche, par exemple, non seulement il ne fallait pas aller voir la danse sous les grands tilleuls au bout du cimetière, mais même il ne fallait pas s’asseoir devant la porte de la chaumière que la commune passait au marguillier, car de là on entendait le violon, et l’on pouvait apercevoir un coin de cette danse maudite qui rendait jaune le teint de M. le curé. Lamiel pleurait d’ennui ; pour la calmer, la bonne tante Hautemare lui donnait