Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/91

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fille : le lendemain, elle apporta à l’épicier la vieille traduction de Virgile, qui avait des images ; elle refusa des figues et des raisins de Corinthe, et reçut en échange une de ces belles histoires qu’on venait de lui défendre de lire.

Le lendemain était vendredi, et Mme  Hautemare tomba dans un profond désespoir parce que le soir, en sortant de table, elle aperçut, en trouvant vide un certain pot de terre, qu’elle avait mis dans la soupe un reste du bouillon gras du jeudi.

— Eh bien ! qu’est-ce que ça fait ? dit Lamiel étourdiment, nous avons mangé une meilleure soupe, et peut-être que ce reste de bouillon se serait gâté d’ici à dimanche.

On peut juger si, pour ces propos horribles, la jeune nièce fut grondée d’importance par l’oncle et par la tante ; celle-ci avait de l’humeur, et, ne sachant à qui s’en prendre, elle passa sa colère, comme on dit à Carville, sur sa jeune nièce. La petite avait déjà trop de bon sens pour se mettre en colère contre une si bonne tante qui lui donnait des confitures.

D’ailleurs, elle la voyait réellement au désespoir d’avoir mangé et fait manger ce reste de bouillon. Lamiel fit des réflexions profondes sur ce souper