Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/97

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Mlle Anselme avait trop d’esprit pour bien lire. Elle voyait là une corvée qui serait tombée sur elle sans augmenter ses gages d’un sou. Ce raisonnement semblait juste, et toutefois cette fille si habile, Mlle Anselme, se trompa. Que de fois, par la suite, elle maudit cette inspiration de la paresse !

La duchesse s’écria tout à coup pendant cette lecture abominable :

— Lamiel ! qu’on mette les chevaux et qu’on aille chercher au village la petite Lamiel, la fille d’Hautemare ; elle se fera accompagner par son oncle ou sa tante.

Lamiel parut deux heures après, avec ses habits des dimanches. Elle lut mal d’abord, mais avec des grâces charmantes qui firent oublier à la duchesse même l’intérêt des nouvelles de la Vendée. Ses jolis yeux si fins s’enflammaient de zèle en lisant les phrases d’enthousiasme de la Quotidienne.

— Elle pense bien, se dit la duchesse.

Et lorsque, vers les onze heures, Lamiel et son oncle prirent congé de la grande dame, celle-ci avait la fantaisie bien décidée d’attacher Lamiel à son service.