Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/100

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qu’elle fut obligée de s’arrêter sur les marches du perron. Son âme avait vingt ans et, pour dernier conseil, sa tante, qui l’avait accompagnée jusqu’à la porte, mais qui ne voulut pas entrer pour n’être pas obligée de remercier la duchesse, lui recommanda fort de ne jamais rire devant les femmes de chambre et de ne se prêter à aucune sorte de plaisanterie. — « Autrement, ajouta Mme Hautemare, elles te mépriseront comme une paysanne et t’accableront de petites insultes, si petites qu’il te sera impossible de t’en plaindre à la duchesse, et pourtant si cruelles qu’au bout de quelques mois tu seras trop heureuse de quitter ce château. »

Ces mots furent fatals pour Lamiel, tout son bonheur disparut à l’instant. Elle fut pénétrée d’un profond découragement en observant les physionomies de ces femmes qui entouraient la duchesse. Après trois jours seulement, Lamiel était si malheureuse qu’elle en avait perdu l’appétit. La chambre où elle couchait avait un beau tapis, mais il n’était pas permis de marcher vite sur ce tapis, c’eût été de mauvais ton, et peu respectueux pour madame. Tout devait se faire lentement, et d’une façon compassée dans ce magnifique château puisqu’il avait l’honneur d’être habité par une grande dame. La cour de la duchesse