Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/119

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montra tant d’esprit et de modération, donna des éloges si perfides à M. le curé Du Saillard, qui n’avait pas été à Rouen depuis dix-huit mois, que, lorsqu’il quitta cette capitale, le cardinal eût plutôt écouté une dénonciation de lui contre Du Saillard, qu’une dénonciation du curé contre lui. Arrivé à ce point, ce médecin de campagne vit arriver à lui la possibilité d’épouser une veuve de la première noblesse qui, légalement, avait plus de quatre-vingt mille livres de rente et qui, dans le fait, ayant un seul fils, âgé de dix-sept ans, élève à l’École polytechnique, pouvait dépenser près de deux cent mille francs par an.

« J’empoignerais l’esprit de ce fils, je m’en ferais adorer, se disait Sansfin, en se promenant solitairement sur la colline de Sainte-Catherine, qui domine Rouen. Et, dans tous les cas, en mettant tout au pis, qui m’empêcherait de m’enfuir en Amérique avec une bourse de cent mille francs ? Là, sous un nom supposé, M. Petit ou M. Pierre Durand, je recommencerais la carrière médicale, et, d’ailleurs, j’aurais si bien arrangé les affaires, en emportant mes cent ou deux cent mille francs, que la duchesse et son fils se couvriraient de ridicule s’ils s’avisaient de me poursuivre. »

Sansfin revint à Carville ; la guérison de