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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/121

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journaux ? Non, je suis las des impostures, il me faut à moi du légitime et du réel ; l’argent ne m’est bon que comme luxe ; certainement, un beau carrosse empêcherait qu’on vît mon défaut naturel, mais quant à moi, pour vivre, je n’ai besoin que de dix mille francs. »

Après quatre heures d’une agitation fébrile, le docteur sortit de la forêt d’Imberville, et rentra dans Carville, bien décidé à ne faire de la duchesse qu’une amie intime, et point du tout une femme. Cette friponnerie de moins à faire le rendit tout heureux. Huit jours après il se disait :

« Grand Dieu, combien je me trompais en me donnant une nouvelle imposture à soutenir. Je serais bien plus heureux en développant mes qualités naturelles. Si la nature m’a donné une triste enveloppe, je sais manier la parole et me rendre maître de l’opinion de sots, et même, ajouta-t-il avec un sourire de satisfaction, de l’opinion de gens d’esprit, car enfin cette duchesse n’est point mal sous ce rapport, elle a un tact admirable pour le ridicule et les affectations, seulement elle ne raisonne pas, ainsi que tous les gens de sa classe. Le raisonnement, n’admettant pas de plaisanterie, lui semble d’une tristesse horrible, et quand par hasard elle veut raisonner et arriver à une conclusion qui