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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/145

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L’abbé était déjà tellement amoureux, sans le savoir, que ces moments de distraction de Lamiel le plongeaient dans un chagrin mortel.

Il fit lire à sa jeune élève le traité d’éducation des filles du célèbre Fénelon, mais Lamiel avait déjà assez d’esprit pour trouver vagues et sans conclusion applicable toutes ces idées si douces, exprimées dans un style si poli et si rempli d’attentions pour la vanité de l’esprit qui apprend.

« Par exemple, se disait Lamiel, voilà une grâce que jamais le docteur n’a connue. Quelle différence de sa gaieté à celle de cet abbé Clément ! Le Sansfin n’est gai du fond du cœur que quand il voit arriver quelque malheur au prochain ; le bon abbé, au contraire, est rempli de bonté pour tous les hommes. »

Mais en admirant et même en aimant un peu le jeune abbé, Lamiel avait pitié de lui quand elle le voyait compter sur la même bienveillance de la part des autres. Quant à elle, c’était déjà une petite misanthrope : la vue du docteur avait servi de preuve aux explications qu’il lui donnait de toutes choses ; elle croyait tous les hommes aussi méchants que lui. Un jour, pour s’amuser, Lamiel dit à l’abbé Clément

    écrite par un homme d’un esprit fin, M. Eugène Guinot. 11 janvier 1840, amor (Rome).