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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/159

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santé, le docteur Sansfin la fit revenir à la chaumière des Hautemare, elle avait bien plus d’idées et, à cette époque, la conversation des vieilles dévotes méchantes ne laissait pas que d’être dangereuse pour une jeune fille de son âge, car, occupées à médire des jolies femmes du village, elles détaillaient souvent d’une manière fort claire, leurs crimes et le divers degré de ces crimes. Les dévotes discutaient entre elles sur ce qu’il fallait croire des péchés des jeunes filles, et il y avait souvent des discussions d’une inconvenance extrême ; mais la profonde ignorance de Lamiel réparait tout ; ses pensées étaient toutes occupées par des problèmes d’un ordre bien plus relevé, elle se sentait une incapacité complète pour cette hypocrisie de tous les instants sans laquelle il était impossible, suivant le docteur, d’arriver au moindre succès ; elle ne trouvait rien d’ennuyeux comme les soins d’un petit ménage pauvre, tels qu’elle les voyait pratiquer par sa tante Hautemare ; elle se sentait une répugnance extrême pour épouser un bon villageois de Carville ; le but de tous ses désirs était d’aller à Rouen, lorsqu’elle serait privée de la protection de la duchesse et là de gagner sa vie en tenant les comptes dans une boutique. Elle n’avait aucune disposition à faire l’amour ; ce qu’elle