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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/183

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restait debout, dans l’attitude d’un homme qui va marcher, la bouche ouverte et les yeux extrêmement ouverts.

« Il faut convenir, se dit Fédor, que voilà un bossu bien laid ; mais l’on dit que de ce vilain bossu et de cette petite fille si singulière dépend toute la volonté de ma mère. Tâchons de leur faire la cour afin d’obtenir d’elle qu’elle veuille bien me laisser retourner à Paris. » Cette résolution bien prise, le jeune duc attaqua vivement la conversation avec le médecin de campagne ; il débuta par un récit exact des premiers troubles qui, le 26, à midi, avaient éclaté dans le jardin du Palais-Royal, près le café Lemblin : deux élèves de l’École polytechnique, qui se trouvaient dans ce café au moment où on lisait tout haut les fameuses ordonnances, avaient couru à l’École polytechnique et avaient raconté fort exactement à leurs camarades rassemblés dans la cour tout ce dont ils avaient été témoins. Le docteur écoutait avec une émotion qui se peignait avec énergie dans ses traits mobiles ; sans doute, il était charmé des accidents qui pouvaient arriver aux Bourbons. Les insolences des nobles et des prêtres étaient faites pour être senties vivement par un homme qui se croyait un dieu par la nature. Son imagination s’étendait avec délices sur les