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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/206

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une des maximes du terrible Du Saillard, le curé de la paroisse. En cachant ces livres au rez-de-chaussée de la tour, Lamiel avait lu quelques pages de Gil Blas ; elle y avait trouvé tant de plaisir qu’elle osa sortir de la maison par une fenêtre du derrière, sur les onze heures, quand elle vit sa tante et son oncle profondément endormis. Elle avait la clef de la tour, elle y entra et lut jusqu’à quatre heures du matin. En revenant se coucher, elle était parfaitement heureuse ; elle n’était plus en colère contre elle-même. D’abord, l’esprit rempli des aventures racontées par Gil Blas, elle ne songeait plus guère aux sentiments qu’elle se reprochait, et ensuite, ce qui valait bien mieux, elle avait puisé dans Gil Blas des sentiments d’indulgence pour elle et pour les autres ; elle ne trouvait plus si vils les sentiments inspirés à sa tante Hautemare par la vue des belles robes.

Pendant huit jours, Lamiel fut tout entière à la lecture, le jour elle allait lire dans le bois, la nuit elle lisait dans la tour ; elle se trouvait avoir quelques écus à l’époque du départ de la duchesse, et acheta de l’huile. Dès le jour même, la marchande qui lui avait vendu cette huile appela le bonhomme Hautemare qu’elle voyait passer et lui dit mille politesses ; le maître d’école ne comprenait