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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/242

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On rit de la proposition jusqu’à plus de onze heures.

— La pharmacie va fermer, dit la maîtresse de l’auberge.

On envoya chercher un peu de vert de vessie, le pharmacien frotta le morceau de vert avec son doigt, s’approcha du miroir, s’enbarbouilla une joue, puis regarda ces dames : il était horrible.

— Eh bien, mademoiselle, dit-il à Lamiel, votre coquetterie va se trouver aux prises avec l’amour de la tranquillité ; demain matin, avant de monter en diligence, il est en votre pouvoir d’être presque aussi laide que moi.

Lamiel rit beaucoup de la recette, mais, avant de s’endormir, pensa plus d’une heure à Fédor.

— Quelle différence ! se disait-elle ; cet apothicaire est raisonnable et a quelque chose à dire, mais le sot perce à l’instant. Quel ton emphatique il a pris quand il a vu le succès de sa recette. Ces gens de savoir ne me donnent d’autre envie que celle de me taire. J’ai toujours envie de parler quand je suis avec mon petit duc, mais je lui dis trop de choses désagréables.

Le lendemain, le duc n’arriva point, et cette absence, qui lui donnait l’air d’avoir du caractère, fit ses affaires auprès de Lamiel.