Aller au contenu

Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la folie, et je me connais, l’amour n’est point une plaisanterie surannée, c’est une passion véritablement terrible ; c’est l’amour des chevaliers du moyen âge qui porte aux grandes actions.

Lamiel rougit profondément, le comte le vit.

« Ce corps si beau est à moi, se dit-il ; quel effet elle fera à l’Opéra, si je puis l’habiller convenablement ! Attention, d’Aubigné, c’est une jeune gazelle que je veux mettre en cage, il ne faut pas qu’elle saute par-dessus les barrières. Soyons prudent. »

Le comte paraissait un brillant jeune homme et bien amusant aux yeux de Lamiel ; pourtant il ne disait pas un mot qui ne fût appris par cœur, mais il n’en faisait que plus d’impression ; tous ses mouvements d’éloquence étaient calculés d’avance et arrangés de façon à frapper par de brillants contrastes, de beaux passages de la plus charmante insouciance aux idées imprévues les plus attendrissantes. Il voyait l’effet qu’il produisait sur cette jeune fille qui ne disait mot, assise dans un coin du boudoir, mais changeait de couleur aux endroits les plus marquants de l’exposé de la situation du comte. Les reproches et les conseils de Mme Le Grand lui donnaient l’occasion la plus naturelle