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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/280

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cruauté d’elle, Lamiel, lui enlevait la possibilité de ce bonheur.

Lamiel, fort indifférente à ce qu’on appelle l’amour et ses plaisirs, se disait :

« Si je me lie au comte, il me mènera au spectacle. Mes mille cinq cent cinquante francs sont déjà fort ébréchés, mais le comte ne pourra me donner de l’argent, il n’en a pas. »

— Il ne se fait aucun changement dans ma famille, disait-elle à Mme Le Grand ; les élections sont retardées ; M. de Tourte est sans doute plus puissant que jamais ; ce M. *** libéral, ce rédacteur du Commerce, qui loge au sixième, dit que la congrégation va revenir. Que faut-il faire pour gagner ma vie ? Je n’ai plus que huit cents francs.

Lamiel était abonnée à deux cabinets littéraires et passait sa vie à lire. Elle n’osait presque plus se promener ou aller en omnibus toute seule. Les taches vertes sur la joue gauche ne produisaient plus un effet certain. Elle était si bien faite, son œil avait tant d’esprit, que, presque chaque jour, elle avait à repousser des avances souvent grossières. Elle ne se permettait de parler qu’à Mme Le Grand et à M. ***, son maître à danser, bon jeune homme, honnête et borné, qui n’avait pas manqué de prendre de l’amour