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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/313

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appréhendait la veille. Elle était d’une impiété effroyable. La profonde curiosité qui, à vrai dire, était sa seule passion, aidée par la sorte d’éducation impromptue qu’elle cherchait à se donner depuis les premiers jours qu’elle avait habité Rouen avec le jeune duc, lui fit proférer des choses horribles aux yeux du jeune théologien, et à plusieurs desquelles il fut hors d’état de répondre d’une façon satisfaisante.

Lamiel, le voyant embarrassé, fut bien loin de profiter grossièrement de sa victoire malgré elle ; elle se figura la conduite cruelle que le comte de Nerwinde eût adoptée à sa place ; elle eut la joie de se sentir supérieure.

— Mais ne dirait-on pas, mon ami, à me voir vous entretenir depuis une heure de choses simplement curieuses, que j’ai le plus mauvais cœur du monde et que j’ai oublié tout à fait mes premiers bienfaiteurs ? Que deviennent mon excellent oncle et ma tante Hautemare ? Me maudissent-ils ?

L’abbé, fort soulagé par ce retour aux choses de la terre, lui expliqua dans les plus grands détails que les Hautemare s’étaient conduits avec toute la sagesse normande. Ils avaient adopté avec prudence la fable que Lamiel leur avait fournie ; tout le monde à Carville la croyait