Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/36

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rien ne se fait sans son pourquoi, et souvent un pourquoi très finement calculé. Ce n’est pas là ce qui me plaît de Carville, et quand j’y allais passer le mois où l’on trouve des perdreaux, je me souviens que j’aurais voulu ne pas savoir le français. Moi, fils de notaire peu riche, j’allais prendre quartier dans le château de Mme d’Albret de Miossens, femme de l’ancien seigneur du pays, rentrée en France seulement en 1814. C’était un grand titre vers 1826.

Le village de Carville s’étend au milieu des prairies dans une vallée presque parallèle à la mer, que l’on aperçoit dès que l’on s’élève de quelques pieds. Cette vallée fort agréable est dominée par le château, mais ce n’était que de jour que mon âme pouvait être sensible aux beautés tranquilles de ce paysage. La soirée, et une soirée qui commence à cinq heures avec la cloche du dîner, il fallait faire la cour à Mme la duchesse de Miossens, et elle n’était pas femme à laisser prescrire ses droits ; pour peu que l’on eût oublié ses droits, un petit mot fort sec vous eût rappelé au devoir. Mme de Miossens n’avait que trente ans et ne perdait jamais de vue son rang si fortement considérable ; et de plus, à Paris, elle était dévote, et le faubourg Saint-Germain la plaçait volontiers à la tête de toutes les quêtes. C’était,