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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/42

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Le docteur était si attentif à ses idées que rien n’était capable de le réveiller. Je crois qu’il inventait les détails d’un roman par lui préparé à l’avance, et, en les racontant, il en jouissait, car ce n’était point un homme sans imagination. Ce qui lui manquait, comme il le prouva du reste par la suite, lorsque la fortune vint frapper à sa porte, c’était une once de bon sens. Ce soir-là, le docteur nous disait, non seulement ses bonnes fortunes, mais encore le détail des sentiments et nuances de sentiments qui avaient dicté les actions des infortunées D, C et T, F, souvent négligées par leur vainqueur.

Le vicomte de Sainte-Foi eut beau appeler le docteur marquis de Caraccioli, en mémoire de cet ambassadeur des Deux-Siciles auquel Louis XVI disait :

— Vous faites l’amour à Paris, monsieur l’ambassadeur ?

— Non, sire, je l’achète tout fait.

Rien ne put réveiller le docteur.

Mme de Miossens, si l’on voulait oublier sa hauteur et son ton de petite impatience, avait des manières charmantes et était parfaitement heureuse quand on la faisait rire ; elle jouissait de la gaieté des autres, mais, à la vérité, sa hauteur s’opposait à ce qu’elle se permît rien de ce qu’il faut pour faire naître la gaieté.