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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/58

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que ces lièvres appartenaient à sa maison, et elle regardait leur mort violente comme une injure personnelle.

Cette dénonciation unie à la vérité avait fait la fortune du bedeau et de son école ; la marquise avait voulu qu’il y eût une distribution des prix dans la grande salle du château, arrangée avec force tapisseries, et où l’on avait aménagé des places de première et de seconde classe. L’homme d’affaires de la marquise invita pour les premières places les paysannes propriétaires, mères de jeunes écoliers, tandis que les paysannes simples fermières ne furent invitées qu’aux secondes. Il n’en fallut pas davantage pour porter à soixante le nombre des élèves du bedeau, qui jusque-là ne s’était élevé qu’à huit ou dix. La fortune des Hautemare s’était accrue en conséquence, et Mme Hautemare n’était pas tout à fait ridicule lorsque, après le souper, le soir des pétards, elle dit à son mari :

— As-tu remarqué ce que M. l’abbé Le Cloud a dit à la fin de son mot d’exhortation sur le devoir des gens riches ? Ils doivent, selon leur pouvoir, donner une âme à Dieu ; eh bien, ajoutait Mme Hautemare, ce mot ne me laisse pas tranquille. Dieu ne nous a pas accordé d’enfants, nous faisons des économies considérables ;