Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/79

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Tout à coup, il trouva bien mieux qu’un malade. M. Du Saillard, le curé de Carville, était allé dîner, ce jour-là, au château de Saint-Prix, à trois lieues de son village. Ce curé était terrible dans ses haines et l’un des gros bonnets de la congrégation ; mais par compensation, — et c’est là ce qui sauve la civilisation en France, il y a compensation dans tout, — par compensation donc, le terrible Du Saillard, du reste intrépide à Carville, n’aimait pas à se trouver seul sur la grande route, dans son petit cabriolet.

Ce fut donc avec un vif plaisir qu’il vit arriver Sansfin chez les Saint-Prix. Ces deux hommes auraient pu se faire beaucoup de mal, et vivaient politiquement ensemble. Du Saillard parlait mal, homme froid, qui eût gouverné une préfecture en se jouant. Il regardait Sansfin comme un fou, chaque jour il le voyait entraîné à quelque grave sottise par une saillie de sa vanité. Mais Sansfin, quand il oubliait sa bosse savait amuser un salon et faire la conquête d’une maîtresse de château. Il y a force châteaux dans les environs d’Avranches, et l’on s’y ennuie malgré le gouvernement. C’était surtout auprès de la duchesse de Miossens que Du Saillard redoutait les anecdotes malignes que le docteur savait si bien dire.