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Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/91

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y pensait encore un mois après, lorsqu’elle entendit la Merlin, cabaretière du voisinage, qui disait à une pratique :

— C’est bon comme du bon pain, les Hautemare, mais c’est bête !

Or, Lamiel avait la plus tendre estime pour la Merlin ; elle entendait rire et chanter toute la journée dans son cabaret et souvent même le vendredi.

— C’est donc là le mot de l’énigme, s’écria Lamiel, comme frappée d’une lumière soudaine ; mes parents sont bêtes ! Pendant huit jours, elle ne prononça pas dix paroles, elle avait été tirée d’une bien grande inquiétude par l’explication de la cabaretière. « On ne me dit pas encore ces choses-là, pensa-t-elle, parce que je suis trop petite, c’est comme l’amour dont on me défend de parler sans vouloir jamais me dire ce que c’est. »

Depuis cette grande aventure du propos de la vendeuse de cidre Merlin, tout ce qui était prêché par la tante Hautemare, c’est-à-dire tout ce qui était devoir réel ou de convention parmi les dévots du village, devint également ridicule aux yeux de Lamiel, elle répondait tout bas : C’est bête ! à tout ce que sa tante ou son oncle pouvaient lui dire. Ne pas dire le chapelet le soir des bonnes fêtes ou ne pas jeûner un jour de quatre-temps, ou aller au bois faire