Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

duchesse deux boîtes de pilules de noms fort différents, mais formées également de mie de pain et de coloquinte, et conseilla surtout à sa malade de bien se garder de consulter des médecins ignorants qui pourraient confondre cette maladie avec une autre exigeant un régime débilitant. Il lui prescrivit de ne pas lire pendant six mois, surtout le soir ; il fallait donc prendre une lectrice. Mais le médecin fit si bien, que ce fut la duchesse qui prononça la première le mot fatal de lectrice et un autre mot plus terrible encore : des lunettes. L’oculiste eut l’air de réfléchir profondément, et finit par décider que pendant la durée du traitement, qui pouvait prendre six ou huit mois, il ne serait pas nuisible de ménager les yeux et de porter des lunettes qu’il se chargea de choisir à Paris chez un opticien fort savant et que les journaux vantaient deux fois la semaine.

La duchesse fut ravie de ce médecin charmant, chevalier de tous les ordres d’Europe, et qui n’avait pas quarante ans, et il partit pour Paris fort bien payé. Mais la duchesse était fort embarrassée, où trouver une lectrice à la campagne ? Cette sorte de femmes de chambre était fort difficile à trouver, même en Normandie. Ce fut en vain que Mme Anselme fit connaître dans le village le désir de Mme la