Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/299

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façon singulière. Tous les yeux étaient fixés sur une table, où Julien aperçut, dans un plat d’étain, trois petits bouts de bougie allumés. L’huissier criait : Trois cents francs, messieurs !

— Trois cents francs ! c’est trop fort, dit un homme, à voix basse, à son voisin. Et Julien était entre eux deux. Elle en vaut plus de huit cents ; je veux couvrir cette enchère.

— C’est cracher en l’air. Que gagneras-tu à te mettre à dos M. Maslon, M. Valenod, l’évêque, son terrible grand vicaire de Frilair, et toute la clique.

— Trois cent vingt francs, dit l’autre en criant.

— Vilaine bête ! répliqua son voisin. Et voilà justement un espion du maire, ajouta-t-il en montrant Julien.

Julien se retourna vivement pour punir ce propos ; mais les deux Francs-Comtois ne faisaient plus aucune attention à lui. Leur sang-froid lui rendit le sien. En ce moment, le dernier bout de bougie s’éteignit, et la voix traînante de l’huissier adjugeait la maison, pour neuf ans, à M. de Saint-Giraud, chef de bureau à la préfecture de***, et pour trois cent trente francs.

Dès que le maire fut sorti de la salle, les propos commencèrent.