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Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/359

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avant huit heures. Dire que l’on est de Genlis, et le cousin de ma mère »

Julien vit l’immensité du danger ; la police de l’abbé Castanède lui avait volé cette adresse.

— Le jour où j’entrai ici, répondit-il en regardant le front de l’abbé Pirard, car il ne pouvait supporter son œil terrible, j’étais tremblant : M. Chélan m’avait dit que c’était un lieu plein de délations et de méchancetés de tous les genres ; l’espionnage et la dénonciation entre camarades y sont encouragés. Le ciel le veut ainsi, pour montrer la vie telle qu’elle est, aux jeunes prêtres, et leur inspirer le dégoût du monde et de ses pompes.

— Et c’est à moi que vous faites des phrases, dit l’abbé Pirard furieux. Petit coquin !

— À Verrières, reprit froidement Julien, mes frères me battaient lorsqu’ils avaient sujet d’être jaloux de moi…

— Au fait ! au fait ! s’écria M. Pirard, presque hors de lui.

Sans être le moins du monde intimidé, Julien reprit sa narration.

— Le jour de mon arrivée à Besançon, vers midi, j’avais faim, j’entrai dans un café. Mon cœur était rempli de répugnance pour un lieu si profane ; mais je pensai que mon déjeuner me coûterait moins cher là