Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/412

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remercîments, attendaient des explications. Julien ne put rien dire, d’abord parce qu’il ne savait rien, et Monseigneur prit beaucoup de considération pour lui. Un des petits prêtres de l’évêché écrivit au maire qui se hâta d’apporter lui-même un passeport signé, mais où l’on avait laissé en blanc le nom du voyageur.

Le soir avant minuit, Julien était chez Fouqué, dont l’esprit sage fut plus étonné que charmé de l’avenir qui semblait attendre son ami.

— Cela finira pour toi, dit cet électeur libéral, par une place du gouvernement, qui t’obligera à quelque démarche qui sera vilipendée dans les journaux. C’est par ta honte que j’aurai de tes nouvelles. Rappelle-toi, que, même financièrement parlant, il vaut mieux gagner cent louis dans un bon commerce de bois, dont on est le maître, que de recevoir quatre mille francs d’un gouvernement, fût-il celui du roi Salomon.

Julien ne vit dans tout cela que la petitesse d’esprit d’un bourgeois de campagne. Il allait enfin paraître sur le théâtre des grandes choses. Le bonheur d’aller à Paris, qu’il se figurait peuplé de gens d’esprit fort intrigants, fort hypocrites, mais aussi polis que l’évêque de Besançon et que l’évêque d’Agde, éclipsait tout à ses yeux.