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Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/420

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Quelle différence avec ce qui était il y a quatorze mois ! pensa Julien ; et ses larmes redoublèrent. Ainsi l’absence détruit sûrement tous les sentiments de l’homme !

— Daignez me dire ce qui vous est arrivé, dit enfin Julien embarrassé de son silence et d’une voix coupée par les larmes.

— Sans doute, répondit madame de Rênal d’une voix dure, et dont l’accent avait quelque chose de sec et de reprochant pour Julien, mes égarements étaient connus dans la ville, lors de votre départ. Il y avait eu tant d’imprudence dans vos démarches ! Quelque temps après, alors j’étais au désespoir, le respectable M. Chélan vint me voir. Ce fut en vain que, pendant longtemps, il voulut obtenir un aveu. Un jour, il eut l’idée de me conduire dans cette église de Dijon, où j’ai fait ma première communion. Là, il osa parler le premier… Madame de Rênal fut interrompue par ses larmes. Quel moment de honte ! J’avouai tout. Cet homme si bon daigna ne point m’accabler du poids de son indignation : il s’affligea avec moi. Dans ce temps-là, je vous écrivais tous les jours des lettres que je n’osais vous envoyer ; je les cachais soigneusement, et quand j’étais trop malheureuse, je m’enfermais dans ma chambre et relisais mes lettres.