Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, II, 1927, éd. Martineau.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
le bal

une, car le surlendemain le baron reparut.

Mais M. Sorel ne vient point, se dit-elle encore après qu’elle eut dansé. Elle le cherchait presque des yeux, lorsqu’elle l’aperçut dans un autre salon. Chose étonnante, il semblait avoir perdu ce ton de froideur impassible qui lui était si naturel ; il n’avait plus l’air anglais.

Il cause avec le comte Altamira, mon condamné à mort ! se dit Mathilde. Son œil est plein d’un feu sombre ; il a l’air d’un prince déguisé ; son regard a redoublé d’orgueil.

Julien se rapprochait de la place où elle était, toujours causant avec Altamira : elle le regardait fixement, étudiant ses traits pour y chercher ces hautes qualités qui peuvent valoir à un homme l’honneur d’être condamné à mort.

Comme il passait près d’elle :

— Oui, disait-il au comte Altamira, Danton était un homme !

Ô ciel ! serait-il un Danton, se dit Mathilde ; mais il a une figure si noble, et ce Danton était si horriblement laid, un boucher, je crois. Julien était encore assez près d’elle, elle n’hésita pas à l’appeler ; elle avait la conscience et l’orgueil de faire une question extraordinaire pour une jeune fille.