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le rouge et le noir

en regardant Julien, c’est que le marquis vous connaît… Je ne sais comment. Il vous donne, pour commencer, cent louis d’appointements. C’est un homme qui n’agit que par caprice, c’est là son défaut ; il luttera d’enfantillages avec vous. S’il est content, vos appointements pourront s’élever par la suite jusqu’à huit mille francs.

Mais vous sentez bien, reprit l’abbé d’un ton aigre, qu’il ne vous donne pas tout cet argent pour vos beaux yeux. Il s’agit d’être utile. À votre place, moi, je parlerais très-peu, et surtout je ne parlerais jamais de ce que j’ignore.

Ah ! dit l’abbé, j’ai pris des informations pour vous ; j’oubliais la famille de M. de La Mole. Il a deux enfants, une fille et un fils de dix-neuf ans, élégant par excellence, espèce de fou, qui ne sait jamais à midi ce qu’il fera à deux heures. Il a de l’esprit, de la bravoure ; il a fait la guerre d’Espagne. Le marquis espère, je ne sais pourquoi, que vous deviendrez l’ami du jeune comte Norbert. J’ai dit que vous étiez un grand latiniste, peut-être compte-t-il que vous apprendrez à son fils quelques phrases toutes faites, sur Cicéron et Virgile.

À votre place, je ne me laisserais jamais plaisanter par ce beau jeune homme ; et, avant de céder à ses avances parfaitement