Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, II, 1927, éd. Martineau.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
le rouge et le noir

jour. Serait-ce, par hasard, se dit-il, un retour à la vertu ? Mais ce mot était bien bourgeois pour l’altière Mathilde.

Dans les positions ordinaires de la vie elle ne croit guère à la religion, pensait Julien, elle l’aime comme très-utile aux intérêts de sa caste.

Mais par simple délicatesse ne peut-elle pas se reprocher vivement la faute qu’elle a commise ? Julien croyait être son premier amant.

Mais, se disait-il dans d’autres instants, il faut avouer qu’il n’y a rien de naïf, de simple, de tendre dans toute sa manière d’être ; jamais je ne l’ai vue plus altière. Me mépriserait-elle ? Il serait digne d’elle de se reprocher ce qu’elle a fait pour moi, à cause seulement de la bassesse de ma naissance.

Pendant que Julien, rempli de ses préjugés puisés dans les livres et dans les souvenirs de Verrières, poursuivait la chimère d’une maîtresse tendre et qui ne songe plus à sa propre existence du moment qu’elle a fait le bonheur de son amant, la vanité de Mathilde était furieuse contre lui.

Comme elle ne s’ennuyait plus depuis deux mois, elle ne craignait plus l’ennui ; ainsi, sans pouvoir s’en douter le moins du monde, Julien avait perdu son plus grand avantage.