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orgueil

Ces yeux n’exprimeront bientôt que le plus froid dédain, se dit Julien, si je me laisse entraîner au bonheur de l’aimer. Cependant, d’une voix éteinte et avec des paroles qu’elle avait à peine la force d’achever, elle lui répétait en ce moment l’assurance de tous ses regrets pour des démarches que trop d’orgueil avait pu conseiller.

— J’ai aussi de l’orgueil, lui dit Julien d’une voix à peine formée, et ses traits peignaient le point extrême de l’abattement physique.

Mathilde se retourna vivement vers lui. Entendre sa voix était un bonheur à l’espérance duquel elle avait presque renoncé. En ce moment, elle ne se souvenait de sa hauteur que pour la maudire, elle eût voulu trouver des démarches insolites, incroyables, pour lui prouver jusqu’à quel point elle l’adorait et se détestait elle-même.

— C’est probablement à cause de cet orgueil, continua Julien, que vous m’avez distingué un instant ; c’est certainement à cause de cette fermeté courageuse et qui convient à un homme que vous m’estimez en ce moment. Je puis avoir de l’amour pour la maréchale…

Mathilde tressaillit ; ses yeux prirent une expression étrange. Elle allait enten-