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l‘aveu

— Voulez-vous dire : jugez de sa vengeance ?

— Je puis avoir pitié de mon bienfaiteur être navré de lui nuire ; mais je ne crains et ne craindrai jamais personne.

Mathilde se soumit. Depuis qu’elle avait annoncé son nouvel état à Julien, c’était la première fois qu’il lui parlait avec autorité ; jamais il ne l’avait tant aimée. C’était avec bonheur que la partie tendre de son âme saisissait le prétexte de l’état où se trouvait Mathilde pour se dispenser de lui adresser des mots cruels. L’aveu à M. de La Mole l’agita profondément. Allait-il être séparé de Mathilde ? et avec quelque douleur qu’elle le vit partir, un mois après son départ, songerait-elle à lui ?

Il avait une horreur presque égale des justes reproches que le marquis pouvait lui adresser.

Le soir, il avoua à Mathilde ce second sujet de chagrin, et ensuite égaré par son amour il fit aussi l’aveu du premier.

Elle changea de couleur.

Réellement, lui dit-elle, six mois passés loin de moi seraient un malheur pour vous !

— Immense, le seul au monde que je voie avec terreur.

Mathilde fut bien heureuse. Julien avait suivi son rôle avec tant d’application, qu’il