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un geôlier ministériel

geôlier d’un air stupide qui bientôt devint de la cupidité heureuse. Il sera bien juste que monsieur donne quelque chose au chirurgien qui, d’après la loi et justice, ne devait pas parler. Mais pour faire plaisir à monsieur, je suis allé chez lui, et il m’a tout conté…

— Enfin, la blessure n’est pas mortelle, lui dit Julien impatienté, tu m’en réponds sur ta vie ?

Le geôlier, géant de six pieds de haut, eut peur et se retira vers la porte. Julien vit qu’il prenait une mauvaise route pour arriver à la vérité, il se rassit et jeta un napoléon à M. Noiroud.

À mesure que le récit de cet homme prouvait à Julien que la blessure de madame de Rênal n’était pas mortelle, il se sentait gagné par les larmes. — Sortez ! dit-il brusquement.

Le geôlier obéit. À peine la porte fut-elle fermée : Grand Dieu ! elle n’est pas morte ! s’écria Julien ; et il tomba à genoux, pleurant à chaudes larmes.

Dans ce moment suprême, il était croyant. Qu’importent les hypocrisies des prêtres ? peuvent-elles ôter quelque chose à la vérité et à la sublimité de l’idée de Dieu ?

Seulement alors, Julien commença à se repentir du crime commis. Par une coïncidence qui lui évita le désespoir, en cet