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interrogatoire

appris sur madame de Rênal, mais il ne parla point de la visite de mademoiselle Élisa.

Cet homme était bas et soumis autant que possible. Une idée traversa la tête de Julien : Cette espèce de géant difforme peut gagner trois ou quatre cents francs, car sa prison n’est guère fréquentée ; je puis lui assurer dix mille francs, s’il veut se sauver en Suisse avec moi… La difficulté sera de le persuader de ma bonne foi. L’idée du long colloque à avoir avec un être aussi vil inspira du dégoût à Julien, il pensa à autre chose.

Le soir, il n’était plus temps. Une chaise de poste vint le prendre à minuit. Il fut très-content des gendarmes, ses compagnons de voyage. Le matin, lorsqu’il arriva à la prison de Besançon, on eut la bonté de le loger dans l’étage supérieur d’un donjon gothique. Il jugea l’architecture du commencement du XIVe siècle ; il en admira la grâce et la légèreté piquante. Par un étroit intervalle entre deux murs au delà d’une cour profonde, il avait une échappée de vue superbe.

Le lendemain il y eut un interrogatoire, après quoi, pendant plusieurs jours on le laissa tranquille. Son âme était calme. Il ne trouvait rien que de simple dans son affaire : J’ai voulu tuer, je dois être tué.