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grande foule au palais

Le lendemain à neuf heures, quand Julien descendit de sa prison pour aller dans la grande salle du Palais-de-Justice, ce fut avec beaucoup de peine que les gendarmes parvinrent à écarter la foule immense entassée dans la cour. Julien avait bien dormi, il était fort calme, et n’éprouvait d’autre sentiment qu’une pitié philosophique pour cette foule d’envieux qui, sans cruauté, allaient applaudir à son arrêt de mort. Il fut bien surpris lorsque, retenu plus d’un quart d’heure au milieu de la foule, il fut obligé de reconnaître que sa présence inspirait au public une pitié tendre. Il n’entendit pas un seul propos désagréable. Ces provinciaux sont moins méchants que je ne le croyais, se dit-il.

En entrant dans la salle de jugement, il fut frappé de l’élégance de l’architecture. C’était un gothique propre, et une foule de jolies petites colonnes taillées dans la pierre avec le plus grand soin. Il se crut en Angleterre.

Mais bientôt toute son attention fut absorbée par douze ou quinze jolies femmes qui, placées vis-à-vis la sellette de l’accusé, remplissaient les trois balcons au-dessus des juges et des jurés. En se retournant vers le public, il vit que la tribune circulaire qui règne au-dessus de