Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/115

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montrèrent à toutes les fenêtres et furent fort sensibles à cette harmonie perçante ; il est vrai qu’elle était relevée par des habits rouges chamarrés de galons d’or superbes, que portaient les trompettes.

Nancy, cette ville si forte, chef-d’œuvre de Vauban[1], parut abominable à Lucien. La saleté, la pauvreté semblaient s’en disputer tous les aspects et les physionomies des habitants répondaient parfaitement à la tristesse des bâtiments[2]. Lucien ne vit partout que des figures d’usuriers, des physionomies mesquines, pointues, hargneuses. « Ces gens ne pensent qu’à l’argent et aux moyens d’en amasser, se dit-il avec dégoût. Tel est, sans doute, le caractère et l’aspect de cette Amérique que les libéraux nous vantent si fort. »

Ce jeune Parisien, accoutumé aux figures polies de son pays, était navré. Les rues étroites, mal pavées, remplies d’angles et de recoins, n’avaient rien de remarquable qu’une malpropreté abominable ; au milieu coulait un ruisseau d’eau boueuse, qui lui parut une décoction d’ardoise.

Le cheval du lancier qui marchait à la

  1. Tout ce que l’auteur dit sur les fortifications, les constructions, les rues et la physionomie de Nancy, n’est qu’une suite de contre-vérités. (Note de Colomb.)
  2. Il paraît que l’auteur n’est jamais allé à Nancy. La nouvelle rue de Paris est superbe. (Note de Colomb.)