Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/134

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se ruine avec elle. Sans cesse, je lui fournis des chevaux pour des parties de plaisir dans les bois de Burelviller, que vous voyez là-bas, au bout de la plaine ; et Dieu sait ce qu’on fait dans ces bois ! L’on enivre toujours mes postillons, pour les empêcher de voir et d’entendre. Du diable si, en rentrant, ils peuvent me dire un mot.

— Mais où voyez-vous des bois ? dit Lucien en regardant le plus triste pays du monde.

— À une lieue d’ici, au bout de la plaine, des bois noirs magnifiques ; c’est un bel endroit. Là se trouve le café du Chasseur vert, tenu par des Allemands qui ont toujours de la musique ; c’est le Tivoli du pays…

Lucien fit faire un mouvement à son cheval, qui alarma le bavard ; il lui sembla voir échapper sa victime, et quelle victime encore ! un beau jeune homme de Paris, nouveau débarqué et obligé de l’écouter !

— Chaque semaine, cette jolie femme aux cheveux blonds, madame de Chasteller, reprit-il avec empressement, qui a ri un peu en vous voyant tomber, ou plutôt quand votre cheval est tombé, c’est bien différent ; mais, pour en revenir, chaque semaine, pour ainsi dire, elle refuse une proposition de mariage. M. de Blancet, son cousin, qui est toujours avec elle ; M. de