Aller au contenu

Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE VI


Le lendemain matin, Lucien prit un appartement sur la grande place, chez M. Bonard, le marchand de blé, et le soir il sut de M. Bonard, qui le tenait de la cantinière qui fournissait d’eau-de-vie la table de messieurs les sous-officiers, que le colonel Filloteau s’était déclaré son protecteur et l’avait défendu contre de certaines insinuations peu bienveillantes du colonel Malher de Saint-Mégrin.

L’âme de Lucien était aigrie. Tout y contribuait : la laideur de la ville, l’aspect des cafés sales et remplis d’officiers portant le même habit que lui ; et parmi tant de figures, pas une seule qui montrât, je ne dirai pas de la bienveillance, mais tout simplement cette urbanité que l’on voit à Paris chez tout le monde. Il alla voir M. Filloteau, mais ce n’était plus l’homme avec lequel il avait voyagé. Filloteau l’avait défendu, et pour le lui faire sentir, prit avec lui un ton d’importance et de protection grossière qui mit le comble à la mauvaise humeur de notre héros.