Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/197

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et vous échangez des signes avec ces gens-là. On pourrait aller jusqu’à croire que c’est vous qui êtes le souscripteur anonyme de Nancy, signalé par le ministre à M. le général baron Thérance comme ayant envoyé quatre-vingts francs pour la souscription à l’amende du National

Ne dites rien, monsieur, s’écria le colonel d’un air colère, comme Lucien semblait vouloir parler à son tour. Si vous aviez le malheur d’avouer une telle sottise je serais obligé de vous envoyer au quartier général à Metz, et je ne veux pas perdre un jeune homme qui, déjà une fois, a manqué son état.

Lucien était furieux. Pendant que le colonel parlait, il eut deux ou trois fois la tentation de prendre une plume sur une large table de sapin, tachée d’encre et fort sale, derrière laquelle était retranché cet être grossier et despote de mauvais goût, et d’écrire sa démission. La perspective des plaisanteries de son père l’arrêta ; quelques minutes plus tard, il trouva plus digne d’un homme de forcer le colonel à reconnaître qu’on l’avait trompé ou qu’il voulait tromper.

— Colonel, dit-il d’une voix tremblante de colère, mais, du reste, en se contenant assez bien, j’ai été renvoyé de l’École polytechnique, il est vrai ; on m’a appelé