Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/202

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mal élevés ; il ne faut me récrier que si l’un d’eux me fait l’honneur d’être pour moi plus grossier qu’à l’ordinaire. » À l’imputation d’être ennuyeux, Lucien répondit, après un petit silence :

— Je crains bien d’être ennuyeux, cela peut m’arriver quelquefois, et je vous en crois sur parole, monsieur ; mais je suis déterminé à ne pas me laisser accuser de républicanisme ; je désire marquer ma déclaration par un coup d’épée, et je vous serai fort obligé, monsieur, si vous voulez bien mesurer la vôtre avec moi.

Ce mot sembla rendre la vie à tous ces pauvres jeunes gens ; Lucien vit aussitôt vingt officiers autour de lui. Ce duel fut une bonne fortune pour tout le régiment. Il eut lieu le soir même, dans un recoin du rempart bien triste et bien sale. On se battit à l’épée, et les deux adversaires furent blessés, mais sans que l’État fût menacé de perdre aucun des deux. Lucien avait un grand coup dans le haut du bras droit. Il se permit sur sa blessure une plaisanterie qui sans doute était mauvaise, car elle ne fut pas comprise. Son témoin en fut choqué, et, lui ayant demandé s’il avait besoin de lui, sur sa réponse négative, le planta là.

Lucien s’assit sur une pierre ; quand il