Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/204

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mouillée ; il la regarda, elle était pleine de sang.

— En ce cas, asseyez-vous, dit-il à Lucien.

Sa voix était pleine de respect et de cordialité. « Diable ! ce n’est pas de l’ivresse, se dit-il, c’est un bon coup d’épée. »

— Lieutenant, voulez-vous que je vous porte jusque chez vous ? Je suis fort. Mais il y a mieux que cela : permettez que je vous ôte votre habit ; je serrerai votre blessure.

Lucien ne répondant pas, en un instant Ménuel ôta l’habit, déchira la chemise, fit, avec une manche qu’il arracha, une compresse qu’il plaça sur la blessure, près de l’aisselle, et serra de toute sa force avec son mouchoir ; il courut à un cabaret voisin, et revint avec un verre d’eau-de-vie dont il mouilla le bandage. Il restait un peu d’eau-de-vie qu’il fit boire à Lucien.

— Restez-là, lui dit celui-ci.

Un instant après il put ajouter :

— Ceci est un secret. Allez chez moi, faites atteler la calèche, mettez-vous dedans et venez me prendre. Vous me rendrez service si personne au monde ne se doute de ce petit accident, surtout le colonel.

« Milord n’est pas bête, après tout, » se disait Ménuel en allant chercher la