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Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/235

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cela peut avoir des conséquences pour mes intérêts ! car je ne suis pas sans avoir quelques arpents au soleil. (C’était avec délices que Lucien empruntait au docteur les façons de parler de la province.) Vous voudriez donc qu’à la mort du père de famille il n’y eût pas de partage égal entre frères ?

— Certainement, monsieur ; ou nous allons tomber dans les horreurs de la démocratie. Un homme d’esprit devra, sous peine de mort, faire la cour au marchand d’allumettes, son voisin. Nos familles nobles et distinguées, l’espoir de la France, les seules qui aient des sentiments généreux et des idées élevées, vivent à la campagne en ce moment et font beaucoup d’enfants ; devrons-nous voir leur fortune divisée, morcelée entre tous ces enfants ? Alors ils n’ont plus le loisir d’acquérir des sentiments distingués, de s’élever à de hautes pensées ; ils ne rêvent qu’à l’argent, ils deviennent de vils prolétaires, comme le fils de l’imprimeur leur voisin. Mais, d’un autre côté, que ferons-nous des fils cadets, et comment les placer sous-lieutenants dans l’armée, après le vol qu’on a laissé prendre à ces maudits sous-officiers ?

Mais c’est une question à traiter plus tard, une question secondaire ; vous ne