Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/244

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Pas plus tard qu’hier, comme on prétendait, chez M. le marquis de Pontlevé, que vous étiez un pilier du cabinet littéraire de ce polisson de Schmidt, madame de Chasteller a daigné prendre la parole pour vous justifier. Sa femme de chambre, qui passe sa vie aux fenêtres, sur la rue de la Pompe, lui a dit que c’était bien à tort que le colonel Malher de Saint-Mégrin vous avait fait une scène sur cet article ; que jamais elle ne vous avait remarqué dans cette boutique, et qu’à vous voir passer sur votre beau cheval de mille écus, avec votre air élégant et soigné, vous aviez l’air de tout… excusez le propos, plus juste qu’élégant, d’une femme de chambre… Et le docteur hésitait.

— Allons, allons, cher docteur, je ne n’offense que de ce qui peut me nuire.

— Eh bien, puisque vous le voulez : vous aviez l’air de tout autre chose que d’un manant de républicain.

— Je vous avouerai, monsieur, reprit Lucien d’un grand sérieux, que je ne puis me faire à l’idée d’aller lire dans une boutique. Ce dernier mot fut lancé avec bonheur ; un homme né du faubourg Saint-Germain n’eût pas mieux dit. D’ici à peu de jours, continua Lucien, je pourrai vous offrir le petit nombre de journaux dont un honnête homme peut avouer la lecture.